« Dépasser Trianon »
Depuis la fin de la Guerre froide, les principales instances européennes (Union européenne, Conseil de l’Europe) ont modifié leur traitement de l’histoire en mettant en place des politiques mémorielles visant à répondre à de multiples demandes de reconnaissance « d’histoires douloureuses ». Cet article analyse les logiques de ce processus d’européanisation des questions mémorielles sous l’angle des investissements d’acteurs politiques qui, à partir de positions occupées simultanément dans divers espaces sociaux, cherchent à inscrire ce nouveau champ de compétence dans l’espace institutionnel de l’UE. La démonstration s’appuie sur une étude de cas – la loi sur le statut des Hongrois de l’extérieur de 2001 et ses prolongements récents - qui illustre les ressorts, et les effets, de la transformation d’une querelle bilatérale en enjeu européen. On montre notamment comment l’implication des organisations européennes, loin de résoudre ce conflit, a modifié les outils discursifs dans lesquels il s’exprime et conduit indirectement à consolider la catégorie controversée de « minorité nationale » dans les traités communautaires.